Jean-Paul Foray et ses grands boeufs
« J’ai deux grands bœufs dans mon étable... » Jean-Paul Foray avait-il en tête cette chanson créée par Pierre Dupont en 1845 lorsqu’il conduisait ses bœufs, d’un pas tranquille, vers la prairie, le jour de la fête des foins, ou comme il le fit pour une démonstration de labour dans le quartier des Raviers en ce début de mois ?
Ce sont bien ses « grands bœufs tachés de rouge », puissants, qui, dans la prairie, ont d’abord tiré la faucheuse, puis le grand attelage composé d’un char et d’un chargeur à foin pour le plus grand plaisir du public massé sur les bords du champ.
Producteur laitier, exploitant une ferme au bas de Chamerande, en lisière de la prairie et de ses immenses pâturages, Jean-Paul Foray a cédé son exploitation à un jeune agriculteur, il y a deux ans, pour faire valoir ses droits à la retraite. Le cheptel de Jean-Paul était de race montbéliarde, appréciée autant comme productrice de lait que pour son excellent rapport à la viande et, comme nombre d’exploitant de ce val de Saône, il gérait le renouvellement de son troupeau en faisant inséminer ses vaches laitières et vendait les veaux qu’il ne retenait pas pour son exploitation.
Il y a cinq ans, ces deux bœufs sont nés...
« Leurs mères sont deux vaches de ma ferme. Et ces bœufs sont nés le même jour. Ils étaient destinés à la vente mais ma petite fille qui était présente au moment où ils sont nés a insisté pour que je les garde. Elle aime ça aussi. Elle a du paysan dans les veines. Commente Jean-Paul avec une certaine émotion. Et du coup elle s’en est occupée. Elle les a familiarisés plus qu’on ne l’aurait fait avec d’autres animaux de ferme. Au départ elle jouait avec, elle les a soignés. Bien évidemment nous étions là. Mais les veaux ont tellement grandi qu’à un moment donné il ne lui était plus possible de les gérer ».
Que fait-on des animaux dans ce cas-là ?
« Je n’étais pas très loin de la retraite. Quand j’ai décidé de les garder pour faire plaisir à ma petite fille, je l’ai aussi fait dans le but de les dresser plus tard. Je savais que lorsque je cèderai ma ferme je garderai quelques animaux pour moi, pour rester dans une sorte de continuité. Quand au dressage, je m’y suis pris un peu tard. Tant que j’étais en activité je n’avais pas trop le temps. Mais on y est arrivé quand même. J’ai cependant eu plus de mal que si je les avais pris à temps ».
Comment dresse-t-on des bœufs ?
« Ça fait 3 ans qu’on les attelle avec le joug. J’ai commencé par leur faire tirer un gros pneu au bout d’une chaîne. Le premier vrai travail que je leur ai fait faire ça été du débardage. J’avais coupé du bois à Nizerel et je les ai attelés pour sortir ce bois. Cela n’a pas été simple, mais petit à petit ils se sont habitués. J’avais aussi fabriqué une herse pour entretenir notre pré. Je les ai beaucoup fait travailler avec cette herse. A la fin, ils allaient bien. En fait, pour les habituer, il faut toujours leur faire tirer quelque chose. Plus tard on est passé au char, avec un grand timon. Il faut un timon spécial pour des boeufs en joug. Avec ce char on a circulé dans les petits chemins de la commune. Ensuite il y a eu le labour. Tirer la charrue c’est probablement ce que l’on a fait le plus. Un jour a pris la faucheuse. Le jour de la fête des foins ça coupait bien. Ce sont des grands bœufs qui tirent fort ».
Combien de temps les garderez-vous ?
« D’après ce que j’ai observé, et entendu, on peut les garder jusqu’à 11 à 12 ans. Il ne faut pas qu’ils aient de surpoids. Comme ils ne travaillent pas tous les jours comme les bœufs d’autrefois il faut faire attention à la nourriture qu’on leur donne ».
Les bœufs de Jean-Paul ont été remarqués le 25 juin. Et déjà les demandes affluent pour des démonstrations de labour ou de foins à l’ancienne, comme à Vernoux, le 30 juillet et le 6 août dernier à Reyssouze... Il y retrouvera probablement Laurent Janaudy, de Manziat, lequel utilise des jeunes bœufs blancs sur son exploitation maraîchère, et d’autres retraités qui, comme lui, ont donné une suite à leur amour de la terre.