Quant un agriculteur devient prestataire de service...
L’engagement pris entre une coopérative laitière regroupant une quarantaine d’exploitants et une grande surface commerciale a permis de rémunérer à un plus juste prix leur production, dans le cadre d’une charte de qualité, et contribue à rendre plus lisible l’avenir de ces exploitants.
Mais ce genre d’initiative, lancée à l’automne dernier, ne concernait qu’une partie des éleveurs laitiers, adhérents de cette coopérative, et, s’il est vrai qu’elle s’est développée depuis, d’autres grands surfaces se s’étant effectivement intéressées au projet, elle est probablement arrivée trop tard pour bon nombre d’autres qui ont renoncé.
Chez les Poncet, à Chamerande, on pratique la polyculture comme chez nombre d’exploitants de ce secteur, et l’on fait du lait depuis trois générations au moins. Il y a six ans à peine, l’exploitation avait été modernisée avec l’installation de la robotique pour la traite des vaches et nul, dans cette ferme située à deux pas des immenses prairies du Val de Saône où l’élevage laitier était, jusqu’à présent, la principale activité, n’aurait songé à lui tourner le dos.
Rencontre avec Bertrand Poncet qui, avec son père Dominique, exploite la ferme du Pré Fleuri.
Quels sont les raisons de votre abandon ?
« La chute incessante des cours. Il y a dix ans que je travaille avec mon père. On était plutôt bien au début. La structure était presque amortie, on aurait pu continuer, mais quand on a fait le bilan avec un prix moyen à 31 euros en 2015, 29 euros en 2016, et sans garantie pour 2017 avec toujours plus d’investissements, de frais de vétérinaire, d’achat des matières, de normes, etc. on a compris.
Nous nous en sortions grâce à nos autres activités. Mais on s’est rendu compte qu’il fallait stopper l’hémorragie, car il arrive un moment où l’on commence par prendre dans la trésorerie de l’entreprise, puis on demande des délais supplémentaires aux fournisseurs et c’est l’engrenage... »
Quand avez-vous pris la décision ?
« On ne l’a pas prise comme cela du jour au lendemain. On s’est intéressés à ce qui se passe autour de nous. On a échange avec d’autres agriculteurs. On a vu ce qu’ils font, comment ils font... Nous nous sommes renseignés. Trois exploitants de la commune ont, avant nous, abandonné le lait. Ce dont on était certains c’est que l’on ne pouvait plus continuer comme cela. On sait que certaines régions sont plus favorisées pour la culture des céréales. Mais pas chez nous avec nos prairies inondables ».
Malgré votre investissement ?
« Avec la ferme équestre, nos prestations de service autour du cheval, il nous fallait libérer du temps pour assumer convenablement cette part de nos activités. L’installation du robot pour un investissement de 150.000 euros nous a permis d’avoir beaucoup plus de souplesse. Le lait restait notre activité centrale mais nous n’avions plus, grâce à ce robot, de contrainte horaire. Notre lait était acheté, pour la fabrication d’un fromage réputé, par une société qui a été reprise il y a quelque temps par une autre, laquelle nous payait selon les cours mondiaux, c’est-à-dire fluctuant vers le bas, sans que l’on puisse savoir comment, à travers les marques qu’elle produisait, notre lait était valorisé, ou pas. Avec un cours moyen du lait à peu près constant, il n’y aurait pas eu de souci »
Quelles sont vos autres activités ?
« Outre la ferme équestre que nous exploitons sur le site de Chamerande, nous avons un élevage de porcs, nous faisons des céréales... Avec le lait, nous avions 60 vaches pour un peu plus de 500.000 litres de lait par an ».
Et maintenant ?
« Nous avons arrêté le lait au mois de janvier. Nous sommes devenus prestataires de service pour l’élevage de bovins. L’étable est toujours là, il a fallu la réaménager pour créer des box pour les animaux, mais sans avoir à trop investir. Nous n’achetons pas les animaux. Des veaux nous sont livrés que nous élevons pendant trois mois, le temps qu’ils atteignent un certain poids et ils repartent pour être livrés à l’export. Nous élevons ainsi 180 bêtes. Le contrat a débuté au mois de mars il nous donne plus de visibilité pour notre trésorerie car nous savons où nous allons. Mais tout cela est récent. Nous verrons par la suite ».